S01E02 - "The Purple Giraffe" or "Retour vers le Futur"
"Les Hommes ont inventé le Destin afin de lui attribuer les désordres de l'Univers, qu'ils ont pour devoir de gouverner."
(Romain Rolland)
Nous avons tous nos actes manqués, des choses qu'avec le recul, on se dit qu'on aurait dû faire... Parfois, il arrive que l'on se retrouve face à la même situation et enfin, nous avons le pouvoir de modifier le cours des choses et de ne plus vivre dans le regret. [Du moins le pense-t-on...]
La première difficulté consiste à avoir le courage de faire face à que nous avions fuit autrefois...par manque de confiance en soi, parce que la situation de l'époque ne s'y prétait pas et rendait les choses inenvisageables.
La deuxième difficulté se résume à ça : si à l'époque rien ne s'était passé, n'y avait-il pas une bonne raison ? Les choses doivent-elles donc rester telles qu'elles sont ? Ou alors, si le Destin nous remet face à notre regret, n'est-ce pas pour accomplir cette chose ?
De là, deux possibilités... Soit on va de l'avant, on se fait violence et on se rend compte que ça ne change rien et on est extrémement déçu; ou alors, l'essai est transformé et on touche enfin du doigt ce Bonheur auquel on aspire tous.
Ces moments où le Destin nous met face à nous même concernent toutes sortes de morceaux de vie mais je voudrais raconter deux moments de ma vie concernant le sujet de ce blog.
Début Septembre, grande fête dans la ville où j'ai passé les meilleurs moments de ma vie. Je retrouve un de mes meilleurs amis et avec deux autres, nous partons errer dans les rues. Nous nous sommes par hasard retrouvés en bas de chez l'ex d'A., et absolument rien ne laissait supposer que nous nous retrouverions là. Au pied de la grille, nous croisons un groupe au moins aussi enivrés que nous. Face à face avec un garçon... On se reconnaît... On ne s'était pas vus depuis cinq ans, depuis que K. l'avait quitté parce qu'elle avait appris les sentiments qu'il éprouvait à mon égard. D'après Vanessa, à l'époque, elle n'avait jamais entendu de plus belles choses venant de la bouche d'un garçon qui parlait d'une fille, en l'occurence moi. L'histoire a voulu qu'on le case avec K., qu'il sorte avec elle six mois, qu'on se fâche, qu'on se perde de vue et qu'il parte bosser en Angola... Cette rencontre m'a beaucoup fait réfléchir. Notamment parce que j'ai vomi sur les pieds de ce garçon au cours d'une soirée Zubrowsqueste, que je l'ai traité de pauvre con, que je lui ai dit "Ta gueule" plus qu'à n'importe qui en une seule soirée, que je lui dit qu'à Noël je voulais qu'il m'offre une sucette Père Noël, parce que comme ça, "je pourrais sucer le père Noël"... Et pendant un an il est resté amoureux de moi! Enfin, là il n'est plus là et tant pis pour moi! Mais je ne suis pas sûre que je voudrais connaître ma vie si c'était avec lui que j'étais sortie et pas avec D...
Deuxième anecdote. Soirée dans la ville de notre jeunesse mi-Octobre. Rendez-vous où je ne suis finalement pas allée avec un vieil ami. Devant le bar, nous attendons. Là, rentre un garçon que je connais pour avoir passé plusieurs soirées avec lui et d'autres gars de la bande d'amis de D. Je me suis défilée et ne suis pas allée le voir. Le lendemain, m'en voulant mais sans trop y croire, je le contacte via ce site où les gens nouent des liens virtuels...Facebook. A ma grande surprise, il me répond. Nous nous voyons deux fois (Dont une fois où il se tape quand même cinquante kilomètres à minuit!). Bref, même si j'essaie de pas m'emballer, je suis plutôt confiante...jusqu'à ce qu'il me dise : "Je suis désolé, je suis avec quelqu'un mais c'est pas clair dans ma tête". WHAT ELSE ??? Crétin...
Enfin bref, tout ça pour dire que je ne sais pas trop où j'en suis et que je ne suis pas sûre qu'il faille essayer de relancer un truc qui n'a pas marché à l'époque... J'espère que je me trompe...
Jul.
Et la palme d'or du lapin crétin de l'année revient à... [Roulements de tambour!]
Sérieusement, j'ai toujours pensé que le Destin avec un grand D était un couillon. Ca remonte en classe de quatrième je crois. On avait en ce temps-là une prof de Latin génialissime qui s'appellait Mademoiselle Hoorelbecque [Oui, je m'y suis reprise trois fois avant de taper la bonne orthographe, et alors?]. D'aussi loin que remonte mon amour inconditionné pour cette langue morte, je me souviens d'elle et de ses cours de mythologie antique, et surtout des séances de visionnages de péplums qui allaient avec. Je ne me rappelle plus dans quel film j'avais entrevu ça - Jason et la Toison d'Or ou alors Le Choc Des Titans... - mais j'avais repéré une scène semi-orgiaque où les dieux s'éclataient sur l'Olympe à jouer avec le destin des hommes qu'ils avaient matérialisés en petites poupées d'argile. Depuis ce jour-là, je pense que le Destin est un immense couillon. Je ne sais pas ce qu'il fout là-haut mais je n'entends que deux choses : rire sardonique et fouet cosmique.
Tu veux un exemple de Retour Vers le Futur? Je m'en vais de ce pas t'en donner un.
J'avais quinze ans et je venais d'entrer en Seconde dans une espèce d'usine à matheux du Valenciennois. Bonheur. Ma seule distraction de l'époque était un énorme, gigantesque coup de coeur pour un jeune homme tout à fait inconnu qui arpentait les couloirs de ce bahut aussi motivé qu'une parapharmacienne un soir de Nouvel An. Jamais je n'ai su comment il s'appelait. Mais avec le temps, j'avais fini par connaître son emploi du temps par coeur. J'avais dans la tête tout un tas d'algorythmes : chimie/lundi/15-17, philo/jeudi/8-10, basket/dredi/10-12. J'ai connu ses crises d'identité capillaires et pileuses, avec le petit bouc à la d'Artagnan qui m'avait fait un effet boeuf [Trop fort, ces Gascons!]. Je savais à quelle heure il allait déjeûner dans notre ignoble cantine, et il y mangeait toujours seul. Je m'étais toujours dit qu'un jour ou l'autre, j'irais l'accoster pour de bon. Dans une crise d'audace, un jour, je me suis levée d'un bond, mon verre à la main. Et puis rien.
Bien évidemment, je ne l'ai jamais abordé.
Il a quitté le lycée, le bac en poche. Moi j'enchaînais avec les pires années de ma vie, et c'est tout.
J'ai grandi, quitté le lycée, passé mon permis. Mon moniteur d'auto-école, la seule personne décente avec laquelle je pouvais parler sans crainte de musique électronique barrée [En l'occurrence, AFX et The Future Sound Of London que selon lui "les jeunes gens de mon âge n'étaient pas censés connaître..."], lui ressemblait comme deux gouttes d'eau. Je vous dis, plaisir c'était de conduire à ses côtés. Du transfert en veux-tu en voilà.
Puis, en résumé : fac, Erasmus, ruptures, voyages, retour en catastrophe et frustration - nous revoilà en l'an 2006, début Août pour être plus précise.
J'étais d'une humeur folle et je me préparais pour aller boire un verre "entre filles" avec mon amie Sophie qui en avait bien besoin. Nous arrivons bien vite dans le seul bar ouvert à cette époque de l'année, bondé, bien évidemment. Entre deux danses, quelques heures plus tard, je repère un homme dans la foule : c'était lui, mon crush!!
Je descends en trombe et entraîne mon amie dehors pour lui conter toute l'histoire. En rentrant, je lui montre l'individu du doigt en soupirant comme cette pauvre midinette que j'étais à l'âge de quinze ans.
La soif m'assaille quelques instants plus tard, et je me faufile avec peine jusqu'au comptoir pour aller siroter un Perrier. Je sens bien vite qu'un homme me frôle le bras pour aller boire lui aussi, et me tourne vers lui : c'était mon crush. Je me remets en catastrophe dans ma bulle initiale, pensant : "Non, il ne va PAS me parler..."
"Bonsoir...", qu'il me dit avant d'engager la conversation. Je n'y croyais pas.
Après seulement quelques minutes d'échange arrive ma copine qui, le voyant, se met aussitôt à crier : "AH MON DIEU MAIS C'EST PAS VRAI!!!" Puis, se tournant vers mon crush : "Tu ne devineras jamais ce qu'elle m'a dit il n'y a pas vingt minutes... Quand elle était au lycée, blah blah blah..."
Et sous les yeux ébahis de mon crush, mon secret venait de partir en fumée.
Qu'à cela ne tienne, nous décidons de nous revoir. Vacances obligent, il a fallu que j'attende la braderie de Lille de cette année-là pour pouvoir l'inviter à boire un verre. Le temps que chacun de nous se fassent des illusions, sans doute.
Ce rencard a été l'un des pires de ma vie. Mon crush, visiblement un peu bouffé par le stress, avait ressenti le besoin de rameuter sa bande de potes dans le petit bar sympa où nous avions prévu de nous revoir. J'ai eu droit à l'inspection de haut en bas de chacun de ses amis, j'en ai consolé un visiblement déprimé qui m'a raconté sa vie sur un coin de table et j'ai dû en remballer un autre qui était persuadé de me connaître sur le bout des ongles "parce qu'il avait lu mon blog". Mon crush était, quant à lui, très éméché. Je l'apprendrai plus tard mais il était toujours très éméché. Ce qui lui donnait à chaque rencontre un air un peu plus pitoyable.
Le formidable détail, c'est que sous l'influence de l'alcool, il avait un rire impossible qui lui valut un surnom inégalé, tiré d'un sketch d'Elie Sémoun.
Alors non, les enfants, "Kévina" n'allait certainement pas devenir votre papa...
Van.